Texte offert par Jean-Yves Amir , un extrait d’un texte d'un auteur belge, 

Orlando de Rudder, intitulé "Le miroir et le masque"

Présence nécessaire.
Le masque et le miroir appartiennent au passé. Bien sûr, on peut les
photographier, les représenter pour en conserver les images. Le masque
n’existe complètement qu’en fonction du visage qui se trouve au-dessous au
moment où nous le voyons. De plus, il est lié au carnaval ou au théâtre, à
un temps, à un moment, à une durée durant laquelle sa présence se montre
nécessaire.
 
Le rétroviseur.
Le miroir ne reflète que ce qui est devant lui maintenant. Néanmoins, il est
possible de trouver un miroir qui reflète le passé et annonce l’avenir. Il
s’agit du rétroviseur. Si l’on roule en voiture, il ne montre que des objets
déjà vus, des arbres, des nuages, des maisons appartenant au temps venant
d’échoir pour le conducteur. Il représente ce qui n’est plus en notre
présence, ce que nous ne côtoyons plus. Cependant, si nous y découvrons une
voiture roulant à vive allure, le rétroviseur annonce l’imminence du
dépassement : si nous conservons notre vitesse, nous serons doublé par un
véhicule qui, présentement, roule dans un décor faisant partie d’un
autrefois proxime. Le rétroviseur concentre le temps de notre mémoire, et
prévoit l’ensuite.
 
Le miroir de courtoisie.
Le miroir de courtoisie ne sert qu’à se contempler, comme les autres. Il
permet de se recoiffer, d’arranger sa mise, tandis que le pare-soleil a
comme mis le jour en veilleuse. Ce faux frère, si peu jumeau du rétroviseur
n’en offre ni l’agrément, ni les dangers. Ni, bien entendu l’occasion d’un
vertige mortel. Il y a tant de choses à voir dans un miroir !
 
Zagréus.
Une sorte de double de Dionysos, par exemple, Zagréus qui naquit tandis que
Perséphone se mirait… pour voir quoi, au juste ? Si elle se trouvait belle ?
Pour prévoir quoi ? Car le miroir n’a pas besoin d’être rétroviseur pour
défier le temps, pour le mettre à jour, en percer les secrets. La
catoptromancie (du grec Katapron, "miroir") ne doit absolument pas être
pratiquée en conduisant.
 
Catoptromancie.
Que voit le miroir, que donne t-il à voir ? Ni l’authenticité d’une totale
perception de soi, ni réellement l’objet d’affection, le stable projet
d’investissement amoureux de Narcisse… Mais tout et autre chose, vaguement à
la fois, si l’on avait plus d’yeux. Pourquoi faire ? Tout voir ? Le passé,
le présent, l’avenir… En contemplant un miroir, et, plus précisément son
propre regard reflété (saurait-on le voir autrement ?), il arrive que la vue
se trouble. Si nous savons regarder vaguement, sans fixer, voilà que
surgiront de prodigieuses visions ! Des hallucinations ? Pourquoi pas ? Des
esprits ? Peut-être… de l’avenir ? Sans doute ! Des visions oubliées… Et ces
reflets sans causes apparentes ont bien besoin d’être élucidés, mis en
lumière ou révélé. Tel est, en gros le rôle de la catoptromancie, divination
par le miroir…On y voit peut-être ce qu’on veut y voir ! Qu’en dirait la
Méchante reine ?
 
Dévoilement.
Vertiges en tout cas, voyage transparent d’un seul côté du miroir, car ce
qui est là ne se trouve que devant… Le miroir n’est-il qu’un masque poli,
qu’une glace courtoise qui, pour ne pas nous effrayer, ne nous montre pas
tout ? Il faut se concentrer pour y voir autre chose que le simple reflet,
pour y découvrir le dévoilement du monde, l’avenir démasque, ou l’ancêtre
quérulent qui demande vengeance… Un fantôme, une fantaisie, un fantasme…


Au jeu des rétroviseurs , difficile d'échapper aux regards croisés rétroactifs :

http://mixed3d.free.fr/paintingweb/amir/retros/

http://pagesperso-orange.fr/alaindumenieu/artvrml/090807.htm