Présence
nécessaire.
Le masque et le miroir
appartiennent au passé.
Bien
sûr, on peut les
photographier, les
représenter pour en conserver
les
images. Le masque
n’existe
complètement qu’en fonction
du visage
qui se trouve au-dessous au
moment où
nous le voyons. De plus, il est
lié au
carnaval ou au théâtre, à
un temps, à
un moment, à une durée
durant
laquelle sa présence se montre
nécessaire.
Le
rétroviseur.
Le miroir ne
reflète que ce qui est devant lui
maintenant.
Néanmoins, il est
possible de trouver un
miroir qui reflète le
passé
et annonce l’avenir. Il
s’agit du
rétroviseur. Si l’on roule
en
voiture, il ne montre que des objets
déjà
vus, des arbres, des nuages, des
maisons
appartenant au temps venant
d’échoir
pour le conducteur. Il
représente ce
qui n’est plus en notre
présence,
ce que nous ne côtoyons plus.
Cependant, si
nous y découvrons une
voiture roulant
à vive allure, le
rétroviseur
annonce l’imminence du
dépassement
: si nous conservons notre vitesse,
nous serons
doublé par un
véhicule
qui, présentement, roule dans un
décor faisant partie d’un
autrefois proxime. Le
rétroviseur concentre le
temps de
notre mémoire, et
prévoit
l’ensuite.
Le miroir de
courtoisie.
Le miroir de
courtoisie ne sert qu’à se
contempler,
comme les autres. Il
permet de se
recoiffer, d’arranger sa mise, tandis
que le
pare-soleil a
comme mis le jour en
veilleuse. Ce faux frère, si
peu
jumeau du rétroviseur
n’en offre
ni l’agrément, ni les
dangers. Ni,
bien entendu l’occasion d’un
vertige mortel. Il y a
tant de choses à voir dans
un miroir
!
Zagréus.
Une sorte de double de
Dionysos, par exemple,
Zagréus qui
naquit tandis que
Perséphone
se mirait… pour voir quoi, au
juste ? Si
elle se trouvait belle ?
Pour
prévoir quoi ? Car le miroir n’a pas
besoin
d’être rétroviseur pour
défier le
temps, pour le mettre à jour, en
percer
les secrets. La
catoptromancie (du
grec Katapron, "miroir") ne doit
absolument pas
être
pratiquée
en conduisant.
Catoptromancie.
Que voit le miroir,
que donne t-il à voir ? Ni
l’authenticité d’une totale
perception de soi, ni
réellement l’objet
d’affection, le stable projet
d’investissement
amoureux de Narcisse… Mais
tout et
autre chose, vaguement à
la fois, si
l’on avait plus d’yeux. Pourquoi
faire ?
Tout voir ? Le passé,
le présent,
l’avenir… En contemplant
un
miroir, et, plus précisément son
propre regard
reflété (saurait-on le voir
autrement
?), il arrive que la vue
se trouble. Si nous
savons regarder vaguement, sans
fixer,
voilà que
surgiront de
prodigieuses visions ! Des hallucinations ?
Pourquoi
pas ? Des
esprits ?
Peut-être… de l’avenir ?
Sans doute !
Des visions oubliées… Et ces
reflets sans causes
apparentes ont bien besoin
d’être
élucidés, mis en
lumière ou
révélé. Tel est,
en gros le
rôle de la catoptromancie, divination
par le
miroir…On y voit peut-être ce
qu’on veut
y voir ! Qu’en dirait la
Méchante
reine ?
Dévoilement.
Vertiges en tout cas,
voyage transparent d’un seul
côté du miroir, car ce
qui est là
ne se trouve que devant… Le
miroir
n’est-il qu’un masque poli,
qu’une glace
courtoise qui, pour ne pas nous
effrayer, ne
nous montre pas
tout ? Il faut se
concentrer pour y voir autre chose que
le simple
reflet,
pour y
découvrir le dévoilement du monde,
l’avenir démasque, ou l’ancêtre
quérulent
qui demande vengeance… Un
fantôme,
une fantaisie, un fantasme…
|